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L’efficience énergétique passe par une réduction de la demande

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jeudi 18 sep 2014
Rectorat - Directement rattaché au rectorat

Le 18 septembre, l’UNIGE et les Services industriels de Genève inaugureront une chaire en efficience énergétique, en présence de la conseillère fédérale Doris Leuthard et de la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta
«Réduire la consommation d’électricité et d’énergie finale, accroître la part des énergies renouvelables et réduire les émissions de CO2, sans mettre en péril ni la sécurité d’approvisionnement élevée dont la Suisse a bénéficié jusqu’à présent ni le caractère peu coûteux de l’approvisionnement énergétique1.» Au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, le Conseil fédéral a pris la décision d’un abandon progressif de l’énergie nucléaire. Il en a découlé une redéfinition de sa stratégie énergétique, dont les objectifs posent d’énormes défis technologiques, économiques et humains.

Le secteur de la recherche a un rôle primordial à jouer pour relever ces défis, raison pour laquelle l’Université s’est associée aux Services industriels de Genève qui financent une nouvelle chaire en efficience énergétique, destinée à consolider l’expertise déjà développée dans ce domaine à l’UNIGE au sein du groupe du professeur Lachal. Cette nouvelle chaire sera officiellement inaugurée le 18 septembre à Uni Dufour, en présence notamment de la conseillère fédérale Doris Leuthard, qui a donné l’impulsion maîtresse à ce changement de cap énergétique, et de la conseillère d’Etat chargée de l’Instruction publique Anne Emery-Torracinta.

Formé en Allemagne et aux Pays-Bas, le professeur Martin Patel est un expert réputé sur le plan international dans le domaine de la conservation énergétique et de la réduction des émissions polluantes. Nommé titulaire de la chaire en efficience énergétique, il donnera, le 18 septembre, une conférence intitulée «De la sortie du nucléaire à l’efficience énergétique».

Entretien

Quelle est la bonne stratégie pour consommer moins d’énergie tout en préservant notre mode de vie?
Martin Patel: La stratégie du gouvernement suisse repose sur deux piliers: davantage d’énergie renouvelable et davantage d’efficience énergétique. Lorsque l’on parle d’efficience, il faut toutefois préciser qu’il ne s’agit pas simplement d’améliorer l’efficacité du point de vue de l’offre énergétique mais aussi, et surtout, de réduire la demande.

Comment y parvenir?
Il faut d’abord s’appuyer sur la recherche et le développement afin de disposer de technologies plus efficaces et meilleur marché. Il s’agit ensuite de viser les décisions d’achat et les investissements dans l’industrie. Cela signifie qu’on ne peut pas miser uniquement sur l’amélioration technologique. On fabrique aujourd’hui, par exemple, des ampoules toujours plus efficaces. Mais il arrive que les gains qui en résultent ne soient pas aussi élevés qu’attendu si l’on se livre à une analyse énergétique globale, car ce que l’on gagne en diminuant la facture d’électricité est dépensé ailleurs, en voyages en avion, par exemple. C’est ce que l’on appelle un effet de rebond. Cela étant, on observe aussi des effets d’entraînement: la réduction des coûts énergétiques liés à des technologies plus efficaces permet leur déploiement à une large échelle. L’efficience doit donc s’inscrire dans une stratégie globale de conservation de l’énergie. Cela implique, outre le développement technologique, des changements sociaux et comportementaux.

N’est-il pas illusoire de miser sur de tels changements?
Il faut des incitatifs, notamment financiers ainsi que des standards d’efficacité énergétique intégrés à la stratégie commerciale des industries. En ce qui concerne les décisions individuelles des consommateurs et leurs comportements d’achat, nous allons les étudier dans le cadre de la chaire, en collaboration avec le Centre interfacultaire en sciences affectives. Nous avons ainsi lancé un projet financé par le Fonds national de la recherche scientifique afin de mieux connaître la façon dont les choix des consommateurs sont influencés par des différences de tarifs énergétiques. Par ailleurs, si l’on considère maintenant le secteur des transports, l’évolution observée dans nos pays au cours des dernières décennies est plutôt encourageante, à voir par exemple le succès croissant de la mobilité douce. Mais il reste évidemment un gros effort à fournir pour que ces évolutions aient un impact positif sur notre consommation globale, surtout si l’on tient compte de l’énergie grise.

Pouvez-vous préciser ce que recouvre ce terme?
L’énergie grise est celle qui entre dans la fabrication des produits, notamment ceux de consommation courante. Une étude récente a montré qu’elle multipliait par au moins un facteur 2 nos émissions d’énergies fossiles par rapport à l’utilisation directe que nous en faisons. C’est un aspect sur lequel les autorités locales ou nationales ont peu de prise, puisque les produits que nous achetons sont pour la plupart fabriqués ailleurs. Des pistes sont toutefois à l’étude pour inclure des indicateurs dans l’étiquetage des produits, ce qui pourrait avoir un impact sur le comportement des consommateurs.

En ce qui concerne la transition vers des énergies renouvelables et l’efficience énergétique, la technologie actuelle permet-elle de remplir les objectifs de réduction de CO2 définis par la Confédération?
Nous disposons d’une très bonne boîte à outils mais il faut l’améliorer sans cesse et l’adapter à l’environnement naturel. Il s’agit également de faire des choix sur la base de données objectives. Pour ce qui est par exemple du chauffage, on peut soit isoler massivement les bâtiments, soit avoir recours à des systèmes avancés de pompes à chaleur ou encore privilégier un mixte de ces deux techniques. Notre objectif avec la nouvelle chaire est précisément de fournir des données et des outils d’aide à la décision.

L’efficacité concerne aussi les réseaux énergétiques...
En effet, avec des réseaux plus intelligents, il sera possible d’ajuster de manière plus fine la demande à l’offre, afin d’éviter des pics de consommation. Dans cette optique, les consommateurs devront être à l’avenir plus fréquemment informés sur les variations saisonnières et journalières des tarifs qui, avec les énergies renouvelables, seront plus importantes qu’aujourd’hui. Une connaissance plus précise de la consommation énergétique et de ses coûts incitera très certainement à des économies d’énergie.